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13 mai 2021

L'Aquapopée 15/21

L'Aquapopée 15/21

Pour les plus diserts, les plus aventureux, les gouailleux du palais, Lao Ya Dureuz nota dans son calepin à trouvailles, le réceptacle de ses mémorables trouées, les patronymes géographes, et c’est déjà beaucoup mais sauf à Nîmes, des quatre lieux emblématiques et festifs situés au cœur aride de ce petit port de pêche. Toutefois, il se garda d’en préciser les coordonnées triangulaires afin d’y préserver la douce quiétude d’une déglutition tant espérée.

Ainsi en quelques mots bien choisis sur l’escabeau d’un trépassé imbibé, il rapporta cette longue escapade d’insatiables déshydratés. 

Reprenons son mémorandum :

« Tout commence, car il faut bien mettre un premier pied sur la terre ferme par une lente humectation et préparation des tonsilles. Il faut du doux et du soyeux. L’adresse idéale est le « Bar des Amibes ». Pour chacun des matelots à gorge déployé, c’est la renaissance du palais en matin de Printemps, que t’as la jonquille qui perce sa petite croûte terreuse et que t’as la larmoyante œillade du plein phare. C’est le phénix du cul de bouteille pour un remplissage adéquat, avec la volonté de te les mettre à niveaux de quai. On y déguste au fin fonds de gosier un modeste résidu vineux mais dans une belle quantité de tonnelier. Il est important en morte saison de bien t’imprégner les socles, parce qu’après cette première pierre à l’édifice du garnissage, le sérieux t’embarque. 

A une encablure de fines ruelles, dans la grande croisée, incommode pour l’équilibre liminaire, les matelots se retrouvent à « La Queue d’Sardines ». Faut pas chercher d’arêtes dans la mondanité d’un lieu connu par des générations de pêcheurs. Il faut juste du temps, juste ce qu’il faut dans l’imprégnation d’un lieu originel. Au gré d’un tonneau, les plus chanceux trouvent le filet du grand soir pour s’harponner au comptoir et poursuivre leur campagne humidificatrice. C’est une glorieuse étape dans la redécouverte des sens à partir d’un concentré de moûts fermentés et quelques friandises roboratives.  D’autres, dans l’incertains du glaçon, avaient perdu leurs aiguillettes de la raison, mais il faut noter que, chose rare, tous gardaient la bonne humeur d’un fût charpenté. 

Quand le matelot, imbibé de pied en nez, voulait poursuivre sa bordée homérique, par des espaces moins vaporeux et ainsi retrouver une nouvelle dimension dans sa grande libation d’escale, il se glissait telle la coulure d’une mouette sur un paquet de chips, vers « La Brasse Coulée ». Que dire en quelques mots et tout en surbrillance nocturne, ce lieu est l’apothéose des bistrots, la tuyauterie toujours luisante car sans cesse émoustillée. Il génère de grandes irruptions volcaniques dans les gosiers des matelots encore de plain-pied sur cette terre battue et enrichie d’écailles de poissons et coquilles d’huitres. Les fumeroles s’échappent aux entournures du comptoir. Pas moyen de s’enraciner le gosier, car toujours aspergé par une virevoltante danse de godets. Il est de tradition que chacun paye sa tournée mais sans qu’aucun ne cesse, il y a toujours un petit nouveau qui rentre dans la cabriole. On dit que certains ont deux générations de tournée en réserve. C’est une expérience sans fin, un long goulot qui se remplit et se désemplit à mesure que la nuit cherche à rencontrer le jour. Un fond de cuve vient de s’assécher au trépas d’un équipage d’un petit fileyeur venu se mettre à l’abri une nuit de mauvaises vagues. Il n’est pas question de soupeser les ardoises de ces hauts lieux sémantiques, dans le gobelet si différents, ces trois premiers rendez-vous bistrotypiques sont tenus par des fratries intergénérationnels qui ont traversées les vagues temporelles, avec la facilité d’une nuisette de début de soirée. Mais force est de constater que dans l’moi profond de cette cohorte matelote avinée, le final est à la hauteur du mât de misère dans lequel se trouvait bon nombre (sauf vot’serviteur). 

Il faut connaître au moins une fois pour son humble fessier, la chaleur accueillante des banquettes de « L’Auberge du Varech ». il s’agit bien d’un frêle récif où les plus vaillants arrivent à s’accrocher pour terminer leur virée, laissant de côté au gré des ruelles, des rigoles et de quelques buses - et oui Mauricette, là aussi y’en a (note du biographe en toile émeri à gros grain…) – de flasques vertébrés qui reprendront verticalité à mesure que les rayons solaires viendront lécher les résidus vineux codifiant ainsi la trajectoire des équipages. L’Auberge du Varech est le lieu idéal pour la commémoration des rescapés du « p’tit dernier pour la route ». Ici on y trouve tout liquide à des degrés de fermentation à cryptogénuflexions non contrôlées. Un régal pour les papilles de ces joyeux drilles en fin de circuit, une saine récompense pour ceux qui n’avaient pas explosé sur les pavés suintants des sombres artères du petit port de pêche. A la tablée de l’Auberge, y’a pas que du liquide, y’a aussi du solide pour compenser et cadenasser tous flux et reflux d’une escapade non officialisée. 

Voilà pour un quidam voyageur des hautes mers intérieurs des Horizons de la Contrée, une belle enclave terrestre que ce petit port de pêche. Il faut bien sûr avoir toute la tuyauterie bien accrochée, sinon on perd son cap … »

Ainsi s’achève ce pensum arrangé du Grand Sachant. Dans sa torpeur matériel et nébuleuse, il lui restera en cogitation cette belle virée, toute gratifiante et savante avec son lot de spasmes hydrauliques. 

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