Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
untourdansmacoquille
1 juin 2021

L'Aquapopée 16/21

L’Aquapopée 16/21

 

Le teint rosi à la douce fermentation d’un raisin issu d’une hybridation incertaine, les marins au cœur gros et l’estomac décontenancé par tant d’incursions, reprenaient la mer. Enfin, c’était elle qui récupérait un amas de viande mariné solidement entassé dans un sac étanche. Après une marée et deux rots bien garnis, tout redeviendrait serein sur le port et la campagne de pêche se passerait dans les plus beaux fracas d’une mer démontée. C’était à partir de là que les marins recommenceraient à compter les jours et les nuits qui les sépareraient de nouvelles agapes terrestres. Jamais vraiment rassasié, le marin goûtait toujours les plaisirs d’une bonne tablée.

Lao Ya Dureuz ne participa que de très loin à ces ancestrales et extravagantes déambulations gustatives. Seule l’exploration, l’investigation des TEFLONS de ce terroir, l’intéressait. Il contemplait avec délectation ces fraternelles bordées et se sustentait les méninges de toutes ces rencontres vivifiantes, accomplissement d’une vie rampante dans les traces de ces bougres d’hominidés.

Après cette suite ripaillante et tonitruante, Lao Ya Dureuz devait reprendre le fil de sa lente divagation intérieure. Il n’était pas habitué à ces festins animés et arrosés, n’en déplaise à l’artilleur en breuvage du célèbre comptoir des Contrées. Ah justement ! cela faisait longtemps que le Grand Sachant avait quitté sa terre généreuse en relief contemplatif : ladite Contrée hospitalière. Un brin de nostalgie perçait au creux de cet horizon qui se couvrait de vapeur devant les mirettes de son immensité. Et c’était pâlichon sur fond de cristallin.

Les pieds bien au sec sur ce petit fronton, il respirait profondément cet air à la limpidité d’une source primaire. Il devait continuer son chemin, il en était sûr. 

Au petit matin, en quête d’une nouvelle bouffée inspiratoire, il vaquait ses frêles mensurations à humer les résidus de la pêcherie du coin. Il croisa alors le regard bleu acide d’un modeste poisson plongé amplement dans son trou d’eau. « La mer miroite ses reflets bleutés » disait la nébuleuse méduse des hauts fonds bourbeux. C’était gambette dans le crypto-récif. Pas moyen d’oblitérer une ventouse avec un minimum de coques en flottaison. On se croirait revenu au temps zéro, et pourtant ça grinçait dans la fabrique à jactance. Le miaulement factice du mielleux n’était plus à l’abordage des austères. Fallait raisonner le bidon à fibres et regarder droit devant. Les vaguelettes s’éclataient sur les rochers. Mais sur le vif, c’était plutôt la grande marée des moribonds et le flottant carpaccio encombrait les mers. On assista une dernière ablation maritime en maille de grosse pointure pour vers et encornets de la rade. Vu les vols en rase-mottes des finaudes mouettes criardes autour des bateaux de pêche, cela devait assurer sévère dans la senne tournante et vibrante.

La Didine, délicate petite sardine bleutée au fonds de son trou d’eau, attendait la grande marée pour repartir et rejoindre ses compagnes de route au loin amassées dans la baie. Vaguement légère sur la pointe de ses arêtes, la Didine majeure se tartinait à la mauvaise huile. Mais la bonne nouvelle n’allait pas tarder et d’un raz-de-marée à la mer montant, les sardines du coin passeraient en banc organisé et ce serait le moment pour Didine de se tailler la houle dans la bonne ondulation.

Son immensité approchait de l’heureuse friture en devenir qui épanouissait son merveilleux filet dans un huileux réceptacle. La Didine bleutée jetait son petit d’œil sur le premier casier venu. Malgré la fraîcheur ambiant des entrailles de cette belle mécanique, not’ sardine s’importunait le bien-fondé d’une existence si bien rangée. Le valait-elle ? ce bel écrin operculé. Toutefois, elle ne garantissait pas l’absence d’arête dans la texture. La problématique résidait dans sa capacité à rentrer dans ladite boîte. Un trop plein de planctons et de larves auto-chargé en résidus top polymère, et ça pouvait cacher quelque chose, avait entraîné un léger renforcement de not’ Didine. C’est qu’elle profite dans son trou d’eau la plantureuse. Et ça, c’était pas convaincant pour la senne finale. On racontait, chez les plus décrépis du bulbe, qu’une année la dolce sardina bien fine sur ses arêtes avait, en légèreté, gagné la faveur des conserveries au grand tort des sardines bretonnes. Mais après une cure de crustacés planctoniques anémiés, tout rentra dans l’ordre. Il n’eut pas fallu regarder dans la boîte noire pour vérifier le bon serrage des fins poissons bleus. Didine se préoccupait de sa ligne de vie avec l’aplomb d’un éphémère encas – sur petits chardons ardents- seule la connivence succincte avec une motte de beurre salée au petit printemps la rendait sereine, la sardine !

Lao examinait, avec la fervente exaltation d’une brise fugace sur la banquise en dérive, cette petite fricassée. Contrainte de naissance à la camisole finale en opercule mesuré, elle reflétait dans l’éclat du soleil une existence azurée. Elle attendait la grande marée libératrice. 

Publicité
Publicité
Commentaires
untourdansmacoquille
Publicité
Archives
Publicité