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15 octobre 2022

Les incontournables de Lao Ya Dureuz 135 - Tant de mots

Tant de mots

Trouver un mot, le décortiquer, le jauger et puis le replacer là où il était, jadis. Recommencer encore et toujours. Ne pas renoncer à cette même pratique, ne pas déroger à ce rythme ancestral des plus grands auteurs. 

Lao triturait les mots comme les semences aux prémices d’une nouvelle saison. Il parsemait ses pages de mots sans toujours peser le pourquoi et le comment. Cela venait ainsi. Alors pour quelle raison, il devrait s’interroger. Chaque matin, au lever du soleil, il prenait place devant la grande fenêtre de son bureau. Face à lui, son jardin, inexplorable labyrinthe de senteurs, de pesanteurs inexplorées, sa source d’inspiration lui ouvrait grand les chemins de sa prose. Certains pensaient qu’il n’avait jamais quitté son domaine et que toutes ses histoires, ses épopées, n’étaient que le résultat d’une imagination féconde. Fallait-il s’en inquiéter ? les mots gardaient leur secret toute en juxtaposition éphémère. Il y avait un phrasé laodesque, cette fine gorgée de « n’importe quoi » dans l’assemblage qui permettait au moindre coup d’œil de vérifier qu’il s’agissait bien d’un texte de Lao Ya Dureuz, le Grand Sachant, l’immensité des Hautes plaines de la Contrée. Il ne fallait pas chercher plus loin. On serait déçu de connaître le dessous du tapis, la brisure de cette poussière créatrice du rien. Il ne prenait pas le temps de regarder derrière lui, ni de côté, car devant lui suffisait. Juste devant, l’horizon d’une vue simple comme les travées d’un potager florissant. Lao, encore à son bureau, regardait les feuilles jaunissantes des arbres annonçant l’automne. Déjà ? cela n'était pas normal. Le soleil était à son apogée, déversant ses rayons au plus proche du zénith. Les oisillons prenaient leur envol sous l’œil attendri de parents enfin libérés de l’alimentation journalière de leurs progénitures. Le jardin était plein de bruits, de vies. Lao trouvait l’instant plaisant. Simplement plaisant comme une gorgée d’eau de source après une longue marche. C’est de cela qu’il tire toute sa pensée, une gorgée. Il ne faut pas aller chercher plus loin, ne pas s’abrutir l’esprit avec des circonvolutions dramatiques et alambiquées. Cela ne servirait à rien. C’était déjà immense pour Lao. Le simple fait de poser le regard sur son jardin lui permettait de voyager au-delà des pensées du quidam. Fallait pas se mettre la tête à l’envers. Lao Ya Dureuz façonnait ses textes à la douceur d’une plume pesant l’air d’un souffle rauque d’une Mauricette. Quelques mots et tout devenait poésie. Les nuages se dissipaient dans le ciel au-dessus de la Contrée. Ils n’attendaient qu’une envolée de mots tarabiscotés pour se carapater. Et voilà une feuille noircie qui rejoint les autres sur la pile disposée au coin du bureau. Il ne regardait pas ce qu’il avait écrit, il ne relisait pas. Pour lui, l’instant créateur suffisait à son bonheur. Il enchaînait les jeux de mots, les phrases longues comme les paragraphes d’une notice de montage d’une étagère suédoise. Cela ne lui prenait que le temps d’un clignement d’yeux face au soleil resplendissant d’un nouveau jour. Les histoires venaient de loin, de très loin. Elles faisaient leur chemin tout au long des soirées passées avec Maître Dee Drouz. Chacun avait sa méthode pour alimenter l’autre en figures de style plus ou moins digestes. Peu importe, car seul le résultat comptait.

On était au cœur du réacteur, diraient certains experts. Y’avait pas de réacteur, tout juste un fin détendeur à particules à la démesure de Lao Ya Dureuz. Il pouvait tout se permettre, il n’avait pas de limite. Ses frontières ne trouvaient pas de fin et les paysages inexplorés de ses songes rempliraient les pages d’un futur album.

Revenir à la ligne claire, à l’extrémité d’une résolution sans partage pour lui donner la pleine mesure de son ouvrage, voilà bien le scénario d’une péripétie, celle de Lao Ya Dureuz. Cela ne ressemble à rien car ce n’est rien. Juste un peu de mots saupoudrés d’espoirs pour le bien d’un errant notoire dans les limbes d’une soi-disant création. 

Les mentions obligatoires détenaient les cordons du désespoir, car la source féconde faisait du goutte à goutte. N’en déplaise aux assoiffés du bocal fermenté à l’exposé des bouches à merde, Lao Ya Dureuz, l’immensité de la pluche, conservait sa démesure d’invisible.

Ken Tuch’ les méduses. 

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