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11 juin 2022

Les incontournables de Lao Ya Dureuz 127 En vain

En vain.

C’était le printemps bourgeonnant et suintant dans les belles prairies de la Haute Contrée. On entendait au loin le glapissement véreux de mâles en quête d’un sourcillement larmoyant d’une belle donzelle. Les fleurs, tous pistils sortis, cherchaient l’improbable tamponnement avec un bourdon à bout d’ailes frétillantes. Elles déployaient tout l’attirail de séduction se métamorphosant et prodiguant toutes les contrefaçons à la mode, façon Mauricette dans le mouvement oscillatoire d’une binette sur terre glaise, faut croire que la rillette était pas mûre.

Donc, pour les plus attentifs des globuleux émoustillés par ce regain verdoyant, les hautes plateaux de la Contrée garantissaient toutes les promesses d’un bel été. Facile me direz-vous, petites loupiotes évasives par l’abîme du premier venu. Peut-être ! n’en déplaise à la masse en cherche de son clou. Mais en jour, à la faveur d’une brise échue d’un ailleurs sans conséquence, Maître Dee Drouz avait quitté le logis de son immensité, Lao Ya Dureuz. A la faveur, d’un jour sans rien, il était parti se faire une petite balade pédestre Pour les plus décollés du bulbe, le terme de randonnée serait à propos. 

Cela faisait maintenant une demi-matinée que Maître Dee Drouz marchait d’un pas sobre tout en pose de talons et velouté sur la pointe. Il aimait ces instants de quiétude. Il n’en manquait pas au quotidien de Lao Ya Dureuz. Ce dernier était passé artiste dans l’art de l’absence. Souffle sans conséquence et effleurement des sens restaient ses lettres de majesté de l’immensité du néant. 

Mais laissons là, not’Lao, aussi las qu’une mouillette en fonds de cul d’œuf.

Car, Maître Dee Drouz, fort d’un pas toujours aussi pressurisé qu’un coussinet, continuait sa trace. Il regardait autour de lui, ici et là, pour en ingurgiter les sens déployés d’une nature qui s’éclatait les tiges, version Mauricette sur un bal musette.

La vertu d’une balade champêtre sur un clair-obscur matinal, c’est l’apothéose d’une découverte subite comme disait Mauricette au tocsin. Et là, Maître Dee Drouz ne va pas être déçu. 

Sur le chemin postillonnant de glaise sèche à la courbe enlacée au sein d’un bosquet, il découvrit, … Il découvrit… mais diablotin à la sauce perlimpinpin, que découvrit-il ? s’empresse Mauricette, fondante comme la glace dans une Margarita. 

Plantée comme le couteau dans son sable originel, une belle bâtisse de brique rouge sauta aux yeux éblouis de Maître Dee Drouz, elle formait un beau cube enchâssé dans deux tours carrées.

Intrigué, not’voyageur avança le pas en direction de l’entrée principale se doutant qu’elle devait être habité vu la qualité des abords finement taillés et arrangés.

Sitôt le premier coup porté sur le battant, la porte s’ouvrit. Mais aucune vie ne pouvait être distinguée dans l’entrebâillement de cette massive porte. Un souffle de poussières fines et aqueuses parvint à s’extraire, attendant l’opportunité libératrice de cette ouverture tant attendue. Il semblait que la maison était vide d’occupant.

Diantre, se grattant le front, Maître Dee Drouz hésitait à franchir la porte. On ne rentrait pas comme cela dans l’inconnu.

Petit à petit, il distinguait le volume de la pièce unique de cette bâtisse, point de contours ou de recoins, d’escaliers ou de couloirs… une vaste pièce remplie de quelques meubles bigarrés dans leur forme et leur disposition. Des peintures remplissaient les murs laissant la place çà et là à des étagères sur lesquelles trônaient des collections de livres et des pots de verre ou de terre.

La luminosité du dehors commençait à enflammer l’intérieur du logis, et Maître Dee Drouz fut envahi par la plénitude du lieu.

Les tableaux, savamment orchestrés sur les quatre pans de mur, donnaient les clefs de la demeure ou tout du moins les brèches d’une compréhension naissante sur son histoire. Elle appartenait, jadis, à un étonnant devin, un orfèvre du doigt dans la prise et que « quand ça fait des étincelles, c’est que t’avais le tempo des demains profonds en cavité ».

Kez-Vain, de son petit nom.

Certains tableaux le représentaient en grande forme tout en lévitation de semoule face à une peuplade désarçonnée et avide - façon la blette dans la mouillasse d’un sombre soir - d’en savoir davantage que la simple description nuageuse des jours à venir. Il était devenu l’incontournable Kez-Vain des grands destins. C’était l’apogée des horizons connus, des tables des matières autosuffisantes. Les titres pleuvaient pour encenser la maestria comme la verveine sur un coulis de chantilly. On venait de loin pour le voir. 

Un tableau coloré montrait une file continue de villageois, certains dormaient à même le sol, des échoppes s’étaient installées pour permettre aux discourtois tapageurs de bénéficier des dernières nécessités alimentaires. Kez-Vain enchaînait les augures véhémences tout au long des journées, ne s’accordant que peu de répit. C’était le même schéma invariable qui se susurrait à son oreille, l’intrus quémandeur dégorgeait son flot de questions telle Mauricette en mode flatulence. Le Grand Devin, tout aussi gentil qu’un tapioca sur lie, étourdissait les nuages dans une houle de pétales dorées. 

Mais bien vite, malgré la fougue divinatoire, Kez-Vain s’estompait dans les abîmes de sa bâtisse. Très souvent, le quidam ressortait apaisé mais soucieux de ne pas avoir distingué le Grand Devin qu’on décrivait si extraordinaire.

A force de répliques répétitives et désuètes, Kez-Vain dilapidait sa prestance et prenait la teinte du rien. Il se perdait dans les limbes de l’absolu blancheur de la lumière du jour. Ce fut d’abord la disparition physique, la transparence puis bientôt le silence. Plus personne ne distinguait le son de sa voix, plus personne ne percevait le souffle de sa respiration. Présent, disséminé comme les gouttelettes d’une vapeur d’eau, il s’effaçait et se dispersait dans la toute la pièce, il remplissait les interstices de chaque recoin bouchant les fissures d’une vie passée à trouver la solution de demain. Trop tard pour les derniers quidams qui durent partir vide de sens pour la prochaine aurore. 

La bâtisse, alors, se referma. Elle laissa derrière la porte cette histoire gravée sur les toiles et la poussière d’un temps jadis. 

Maître Dee Drouz examinait chaque tableau, scrutant les moindres craquements de vernis. Il ne restait rien, la pièce avait perdu la ferveur des grands jours.  D’un souffle, sombre et lourd, Kez-Vain avait quitté les lieux à la faveur d’une porte enfin ouverte, enfin libéré de toute pesanteur.

« Tout ça pour rien », se disait Maître Dee Drouz en regagnant sa demeure. Sitôt arrivé, il raconta ce bel effacement à Lao Ya Dureuz qui trouva à dire que rien était quand même un beau commencement.

Ken Tuch’, les lutins.

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