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17 décembre 2021

Les incontournables de Lao Ya Dureuz 117 Arrêt au jardin

Arrêt au jardin

Fallait bien se retrouver dans les gravats du bitumeux austères. Un rien subtil pour les plus volumineux, mais trop sirupeux pour les limités du ventripotent. Passons, se disait Lao Ya Dureuz en ce jour brumeux. Tiens un oiseau ampoulé dans ses couleurs éclatante. Passage poétique en ce début de journée. Le Grand Sachant, piètre démonstratif, regardait son jardin coulé ses jours heureux et verdoyant. On frissonnait comme le vent sur des joues d’un nouveau-né, force est de constater que tout était en place en cette belle journée. Lao reprenait ses vacantes occupations après une période de latence, copieuse délectation du vide. Il avait sorti le grand jeu en cette belle matinée. Point d’effort pour reprendre le fil d’une vie plate néanmoins bien remplie. Pas besoin d’en faire plus, il avait coché les cases une à une et décidé fermement que rien ne pouvait le décaler vers une autre voie. 

Son jardin, laissé à l’abandon, demandait son simple regard pour retrouver la plénitude de sa splendeur passé. Il cherchait les quelques hybrides laissées à la douceur d’un climat propice au déferlement des sensations. Les plantes avaient pris leurs aises, chaque petite recoin était couvert d’une nappe florissante. Peu de place pour la désertique rondeur d’une friche. Tout était fleuri et coloré. Lao Ya Dureuz s’en réjouissait. Ainsi l’absence fortuite d’une retraite forcée avait donné la place à l’effervescence. Sans nul doute, il n’aurait pas pu faire mieux. Son absence avait laissé la beauté prendre ses quartiers. Petit à petit, il cheminait, à pas compté, oubliant ses préceptes et ses vains principes de faiseurs. Il découvrait un autre monde. Le champs du possible, grand rien dans l’absolu d’un soi-disant sachant. Peut-être seulement un usurpateur, façon bonimenteur des hautes sphères, il se remémorait ses grandes virées dans les mondes parcourus depuis des lustres aux pendillons trop chatoyants. Il se rebranchait sur ces embryons végétatifs. Il avait tant arpenté. Les chemins de la Contrée et bien au-delà l’avait confronté à tant de situations que son corps pesait le poids de plusieurs vies. 

Ce matin, le vide ressemblait à un trop-plein. Il marchait tout au long de ces petits chemins terreux façonnés au gré des saisons. Il revivait chaque instant de son existence à mesure qu’il s’engouffrait au plus profond du jardin. Lapinou, céleste sécateur du moindre plant, s’était bien gardé de ratiboiser ces quelques parterres devenus des terres sans maître. Il se limitait à quelques bordures, afin de garder la dent acérée, le geste futile d’un coupeur de tiges bourrées à la carotène. Lapinou respectait son immensité, celui qui avait réussi à capter, dans ce douillet tas d’os, le tintement acidulé d’un cœur finement enserré dans un improbable doudou en garenne. 

Lao Ya Dureuz continuait sa redécouverte, c’était son odyssée, sa quête pour un autre lui. Il ne savait pas. Voilà bien une nouvelle que d’aucuns, petits baveux des hautes plaines, mangeurs de face de boucs, attendaient. Enfin, le Grand Sachant levait le voile, façon petit foc sur petite brise. Il prenait le vent en frontaison. Mais son immensité n’avait que faire, il marchait et cela lui suffisait. Son jardin était un terrain de jeu, une pente douce vers un ailleurs. Les arbustes, les haies, les feuillus devenaient des galets flamboyants, des repères d’une vie passée. Au détour d’un taillis irrévérencieux il trouva sa place. La pierre mal taillée, posée au gré d’un éboulement, faisait office d’assise, réceptacle à toute velléité de quiétude.  S’asseyant, Lao contemplait son jardin comme un autre soi, une continuité de sa petite existence. Il ferma les yeux et chercha bien loin. Le sentier intérieur le fit passer par des limbes obscurs, des myriades colorés, des cavités funestes, mais si parfumées, si saisissantes que tous ses sens se mirent à vibrer. Il reprenait le fil. Sa quête avait débuté il y a si longtemps, les chemins de la Contrée paraissaient alors des esquisses informes. Il y avait encore des traces à sillonner. Il rouvrit les yeux et devant lui, elle était là. 

Li Chou Ze, fleur des embruns délicats, était venu accueillir une nouvelle fois Lao Ya Dureuz. La floraison resplendissante d’une belle matinée envahissait le jardin. C’était le temps de l’éclosion, de la plénitude. Les arômes explosaient dans toutes les parcelles du jardin, rien ne pouvait arrêter ce lent renouveau. Lao Ya Dureuz reprit sa route. Invariable comme un beau crépuscule d’une nuit d’été. Demain, le soleil prendra ses aises, « evel just ! ». Ken Tuch’ les nébuleux.

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