Les incontournables de Lao Ya Dureuz (30)

La paisible prairie se réveillait aux sonorités roboratives des broutants du coin. C'était un jour comme un autre, semble-t-il ? Car qui aurait pu deviner l'extrême nervosité d’une partie non négligeable des habitants de cette vaste et paisible prairie ? 

Car c'était le jour, oui ! le jour de l’année que les bufflons, jeunots encore scotchés aux mamelons douillets de leurs mômans, attendaient, annonciateur d’une gambade traditionnelle. 

Tradition, rappelons-le, respectée par plusieurs générations de buffles, les bufflons, chaperonnés par les charmantes bufflesses dès potron-minet, étaient en partance pour marteler le pâturage verdoyant de leur galop méthodique et désynchronisé... la chasse allait être ouverte ... Petits hibiscus des gazons. !!! Les buffles eux, mâles bien-pensants et prospères dans le tour de taille, regardaient cela amusés, un brin nostalgique car chacun avait un jour participé à ce joyeux affût. C'était une préparation de plusieurs jours pour faire venir dans la prairie ces quelques spécimens dociles et quasi domestiques qui seront au centre des recherches matinales puis leur trouver une cachette à la hauteur de leur protubérance graisseuse. Mais les bufflesses avaient le coup pour amadouer les bestiaux et les faire venir. Et voilà que la plaine herbeuse se remplissait à mesure que les bufflons se regroupaient. Parqués à l’entrée de la prairie, ils attendaient paisiblement.  Chacun avait sa stratégie issue d’une pratique familiale ancestrale transmis par les plus anciens avec cette petite pointe de gloriole dont ces derniers n’étaient pas avares.

Le coup de clochette à deux tons 3/4 donna enfin le signal. Le souffle des bufflons lancés pleine balle sur ce gazon retentissait dans les tympans des mâles ruminants qui se prélassaient à la fraîche dans leur mare de boue.

C’était le Jour, le Jour de la chasse aux bœufs. Y’en avaient de toutes sortes, des petits, des gros, des atypiques, des exotiques, des bourguignons, des musqués, aux carottes et des musicaux. Ça faisait du monde sur la plaine et du lourd !

Euh la !!! Attention, petites coquillettes des temps pré-lacustres, vous vous demandez ce que vient faire un bœuf au cours de cette joyeuse matinée ... le buffle étant réputé pour son régime herbivore à plantes vertes fraîches et douces à la mastication nocturne….

Point de dégustation carnivore dans cette joyeuse débandade matinale, points de boîtes à meuh chez les mufles. Chacun avait sa place. Tradition oblige, les bœufs étaient aussi de la fête. Rien de mieux que de commencer la journée par un cache-cache géant et enjoué pour le plus grand plaisir de ces jeunots acnéiques. Les pique-bœufs à bec jaunes lâchaient un temps leur petit nettoyage d’oreilles de buffles, ils avaient pour tâche de contrôler l’ensemble du site par des vols réguliers, arbitres volants et intransigeants du respect des traditions bovidesques

Pour les plus téméraires ils tentaient un lâcher de bœufs sur pente douce. Le roulé de bœufs était l’apothéose de la matinée. C’était pas simple avec les cornes… ça labourait sérieusement la prairie. Il fallait voir cette petite dizaine de bufflons courir dans la prairie derrière tous ces bœufs colorés et bienheureux. Les rires et meuglements envahissaient le pâturage, c’était une belle matinée.

Chacun se retrouvait ensuite au point d’eau pour une rasade bien méritée. On se racontait ses exploits du jour ; les plus anciens se retrouvaient avec plaisirs. Mais le temps était venu de se quitter, les bufflons rejoignaient les bufflesses, les mâles à l’odorat puissant décidèrent qu’il fallait changer de prairie et trouver d’autres pâturages verts. Le troupeau s’éloignait en une longue file  laissant les bœufs reprendre leurs esprits et déjà se dire qu’il faudrait attendre une année pour se de nouveau partager ce moment de bonheur.

 Cela avait été une belle journée. Ken Tuch’ les agneaux.